lundi 16 août 2010

Les consommatrices anglaises sont-elles des beauty-assistées?

Avec des week-ends bien remplis ici et ailleurs, je n’ai malheureusement pas été aussi prolixe que je l’aurais voulu, aussi je m'excuse auprès de mes lecteurs fidèles ou de passage…

Me revoilà aujourd’hui avec une double tendance à laquelle je réfléchis souvent depuis mon arrivée ici et surtout depuis que je travaille à Londres dans le secteur. Il s’agit d’une part des awards ou récompenses décernés à divers produits par les médias, et d’autre part de l’importance et du crédit accordés aux routines beauté des célébrités.

L'award, bon pour un décollage immédiat


Commençons par les awards. J’en ai saisi l’enjeu au travail, surtout. La première occasion s’est présentée lors de mon stage chez une marque de soin premium. Un des tous premiers projets qui m’a été confié a été de faire concevoir une affichette et un cadre, le tout destiné à être disposé dans l’ensemble de nos points de vente. L’affichette n’était autre qu’un visuel produit accompagné d’un macaron « Best Beauty Buys 2010 » accordé à un de nos produits par le célèbre magazine InStyle. Je n’avais pas saisi l’importance de ce projet jusqu’à ce qu’une de nos responsables de comptoir m’appelle pour me dire à quel point ces affiches avaient boosté les ventes du produit en question

Dans l’entreprise de maquillage grande conso où je travaille depuis maintenant trois mois, chaque award est l’occasion d’essayer d’être plus présents dans l’esprit des consommatrices. Partout où nous pouvons, nous mettons systématiquement en avant ces récompenses. Car en mass, il s’agit encore plus d’attirer l’attention des consommatrices dans un environnement surpeuplé visuellement.

C’est donc de cette façon que je me suis rendue compte du très haut crédit accordé par les consommatrices aux awards décernés par leurs magazines préférés. Elles comptent vraiment dessus pour faire leur choix, bien plus qu’en France où cela reste encore assez anecdotique. Et bien évidemment, les deux sociétés où j’ai remarqué cela ne sont pas les seules à user leurs awards jusqu’à la corde – et pour chaque marque et chaque produit, l’enjeu est si grand qu’on fait tout pour soit glaner un maximum de récompenses, soit essayer de remporter les suffrages des parutions les plus haut de gamme… voire les deux à la fois.

Car pour certains produits multi-récompensés, c’est à un véritable cercle vertueux que nous avons à faire. Je pense par exemple à la marque Liz Earle, dont je vous ai parlé il y a quelques mois, qui affiche une kyrielle de vignettes pour son excellent nettoyant visage : à l’heure actuelle, il s’en vend un toutes les 30 secondes ! Et le même effet peut se révéler encore plus crucial pour une jeune marque : un award décerné par un magazine un minimum crédible, et hop, décollage assuré !...



Bien évidemment, la question qui se pose est celle de la pertinence de ces awards… Dans quelle mesure les médias sont-ils objectifs ? Qui nous dit qu’ils ne les décernent pas comme ils décident des produits qu’ils chroniqueront, c’est-à-dire, assez souvent, en fonction des copinages avec les responsables relations presse, ou des voyages, cadeaux et autres pluies de produits offerts ? (si un mythe vient de s’effondrer pour les plus naïfs [ou les moins cyniques] d’entre vous, lisez ceci d'urgence)

Adoré par une célébrité, rupture de stock assurée


L’autre volet de cet article concerne les célébrités. Si vous trouvez qu’on s’intéresse trop à leurs faits et gestes en France, permettez-moi de vous assurer que vous n’avez encore rien vu. En Angleterre, j’ai l’impression qu’être au courant des opérations de chirurgie esthétique de l’une ou des divorces de l’autres est, pour beaucoup (trop) de gens, aussi vital que profiter des happy-hours du pub en face du boulot. C’est dire…

A cela, ajoutez une habitude de suivre ce qui est décrété à la mode comme des moutons. Si les manteaux jaune moutarde sont décrits comme la dernière tendance et que cela est illustré par une photo d’Emma Watson ou de Carey Mulligan, il se passera la chose suivante : à la pause midi qui suit la parution du magazine, il y aura rupture de stock de manteaux jaune moutarde dans tous les TopShop du pays. Mais c’est aussi ce qui participe à l’audace des Anglaises : peu importe si c’est portable, si ça leur sied ou si cela va avec le reste de leur garde-robe, elles sont assez excentriques pour tout tenter…



Pareil en matière de beauté : elles adorent en savoir plus sur la routine de leurs chanteuses / actrices / bimbos (ou les trois à la fois) préférées avant d’aller dépenser leurs pounds en magasins. Par conséquent, quand la plupart des articles maquillage consistent en des conseils pour répliquer le look de Cheryl Cole, ceux relatifs aux soins de la peau tournent autour d’un captivant décryptage de la trousse toilette d’Agyness Deyn et les pages coiffures donnent la parole à un « expert » vous détaillant les techniques et la liste des produits que vous devrez acheter dans l’espoir d’obtenir un savant effet cramé-sale-décoiffé à la Kate Moss.

Et là encore une fois j’en ai vu les conséquences sonnantes et trébuchantes à mon travail. Chez la marque de soins, lorsque une ex top-model a déclaré utiliser notre baume à lèvres hors de prix, il fut sold out dans nos points de vente londoniens quelques heures après la parution de cette citation. Et là en ce moment on peut remercier la chanteuse d’un groupe tendance qui nous aide à déstocker une de nos nouvelles teintes de vernis à ongles après qu’elle ait déclaré le porter…

Quand une célébrité chouchoute des Anglais est l’égérie d’une marque de cosmétiques et que son minois est affiché partout dans le pays, l’effet peut aussi être dévastateur. Cheryl Cole, qui fait fondre l’ensemble du pays et que L’Oréal Paris a intelligemment choisie pour égérie, a récemment été l’ambassadrice d’une des nouveautés de la marque. Nous avons eu le malheur de lancer un produit sur la même catégorie en même temps, et, ce qu’on appelle amèrement dans mon équipe the Cheryl Cole effect, a fait l’effet d’une tornade : malgré l’excellente qualité du produit (en toute objectivité), et les millions investis pour le promouvoir, c’est Cheryl, à notre grand dam ainsi qu’à celui de tous les autres concurrents, qui a provoqué des ruptures de stock partout dans le pays. Better luck next time…

Campagnes de publicité mises à part, je me fais un peu moins de souci quant à l’authenticité de l’info quand une célébrité parle d’un produit qu’elle recommande – sont naturellement des exceptions les interviews bidons d’égéries de marques diverses qui déclarent utiliser les produits de la société qui les emploie, et, quand elles s’en écartent, citent des produits d’autres marques du groupe (mouahahaaa).

En revanche, les « get the look » me laissent quelque peu dubitative : ce sont très souvent de simples approximations, qui ne sont rien d’autre qu’un angle un peu différent (quoique plus tellement, maintenant) pour présenter les dernières nouveautés beauté.


Prendre une consommatrice par la main


Au-delà de l’importance de la presse – qui a des proportions complètement démentes par rapport à la France, si l’on jette un œil aux tirages des journaux et magazines – ce qui est sous-jacent dans ces deux tendances, c’est cette propension à être crédules et à se faire assister que semblent avoir les consommatrices britanniques. Et ce n’est pas étonnant…

Ici, les femmes n’ont pas autant de forums beauté qu’en France. Ensuite, il n’existe, à ma connaissance, aucun équivalent britannique au site Beauté-Test (mais comment font-elles ?!). Enfin et surtout, il est moins facile de tester librement les produits car la parfumerie libre-service façon Sephora n’existe pas, pas plus que le sympathique Monoprix. Comme je vous l’ai expliqué ici, on a soit les grands magasins avec des comptoirs bien distincts pour chaque griffe où des vendeuses assoiffées de commissions vous sautent dessus dès que vous jetez un œil à leur stand, soit les drugstores où les marques de mass-market sont entassées les unes sur les autres et le conseil généralement absent.

Alors forcément, les consommatrices semblent avoir besoin d’être coachées voire maternées. Heureusement, d’autres acteurs comme les blogs ou la chaîne Space NK ouvrent d’autres perspectives aux consommatrices Anglaises dans la façon de faire leurs choix beauté…



Et vous, quel est votre avis sur la question ? Une « Victoire de la Beauté » signée Marie-Claire peut-elle vous faire choisir un produit plutôt qu’un autre ? Le fait que Marion Cotillard ait déclaré dans Elle, qu’elle utilisait la dernière nouveauté Aquafresh (je dis ça au hasard, hein !) vous laisse-t-il de marbre, ou vous soulage-t-il grandement dans le choix délicat d’un dentifrice ?

8 commentaires:

  1. bonjour !!
    euh j'avoue que cela me laisse assez indifférente, ça sent trop le "publi-conseil" à plein nez ... je serais même méfiante ! Pour les produits de beauté j'avoue ne pas être trop "mouton" ;-)
    bon lundi ...

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  2. je crois que le fait de comparer et de ne pas se laisser embobiner par ce genre de marketing, voire d'y être réfractaire, c'est assez typiquement français lol.
    Faut que je t'envoie un mail j'ai un truc à te demander ;)

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  3. Bonjour!
    J'ai pratiquement passe la journee sur ton blog et j'adore! Y'a une vraie recherche, des conseils pointus et le tout est objectif et clair. Comment est ce que je peux faire pour t'envoyer un mail? C'est possible? Je voudrais bien te demander quelques conseils sous forme peut-etre de nouveaux posts pour toi ;) Par exemple parmi les 'grandes' marques de cosmetiques (Chanel, MAC, YSL...) laquelle penses-tu avoir les meilleurs produits (couvrant et long-lasting) pour le teint? Si t'as quelques conseils/info a ce sujet, ce serait vraiment cool!
    M.

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  4. Que la marque soit récompensée ou utilisée par une star peut attirer mon attention mais en aucun cas déclencher un achat pour moi.

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  5. Coucou!

    J´aime beaucoup ton analyse des comportements des Anglaises quant aux produits et aux phénomènes de mode!

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  6. [...] le 16 aout 2010, jour de la publication de Les consommatrices anglaises sont-elles des beauty-assistées ? Dans ce billet, j’évoquais l’influence sur les ventes de produits de beauté, des récompenses [...]

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