lundi 4 octobre 2010

Donnez, donnez, do-do-onnez...

Personnes âgées isolées, femmes battues, malades de cancers du sein ou autre, élèves défavorisés, animaux maltraités… Au Royaume-Uni, toute cause est bonne pour faire du business. Chacune a sa kyrielle de charities ou associations caritatives, qui emploient 1 personne sur 50 dans le pays ! Publicités dans le métro montrant des ados SDF vous implorant du regard, appels téléphoniques destinés à vous soutirer 1£ par mois pour les chiens abandonnés, pleines pages dans les magasines et journaux avec des gros plans sur des becs de lièvres d’enfants du bout du monde, pages de publicité montrant des blessures béantes dans des hôpitaux délabrés… le choix est large et le sensationnel au rendez-vous.

Pourtant les Anglais, éduqués au stiff upper lip (littéralement : lèvre supérieure raide, l’opposé de ce qu’il nous arrive quand on s’apprête à pleurer) font tout pour ne pas montrer leurs émotions en public. Au pub, ils préfèrent multiplier les pintes de bière tiède qui les font délirer plutôt que de se lancer dans des conversations profondes sur des sujets trop personnels. Au travail, on ne plaisante pas trop et on évite les discussions d’ordre privé –  c’est la business attitude qui règne. Mais quand il faut donner pour une charity, quelle qu’elle soit, et peu importe ses revenus, ils répondent « présent », et en masse. Une séance de rattrapage pour la bonne cause, en somme.

Alors forcément, les moyens sont là et les sollicitations véritablement incessantes. Je dois avouer que quand on n’y est pas habitué, c’est assez insupportable et ça peut même carrément enlever l’envie de jouer le jeu. Mais bon, c’est vraiment un des dadas des Britanniques alors toutes les industries essaient de se faire une place dans ce business, y compris celle de la beauté. C’est au travers de deux initiatives très importantes au Royaume-Uni que j’aimerais vous en dire plus à ce sujet.

 

La première est une association qui se nomme « Look Good… Feel Better ». Créée il y a presque 20 ans et maintenant présente dans 21 pays, il s’agit d’une initiative très intéressante. Le principe : organiser des ateliers rassemblant des femmes atteintes de cancer, et les aider à se sentir mieux grâce à des activités liées à l’amélioration de leur apparence. Cela va de retrouver le goût à se maquiller, à apprendre à choisir sa perruque, savoir poser son foulard sur la tête ou redessiner des sourcils devenus trop rares.

Un des points critiques pour LGFB est de collecter des produits de beauté et des fonds. Mais pas de souci pour l’association, toutes les entreprises du secteur se bousculent au portillon. Pendant que Procter & Gamble fournit un entrepôt gratuit, une multitude d’entreprises offrent des produits : Estée Lauder, L’Oréal, Coty, Elizabeth Arden, Revlon, Clarins, LVMH, Sisley et bien d’autres. Mais elles s’appliquent aussi à collecter des dons. Dans mon entreprise précédente, des ventes de produits déréférencés (pour cause de changement de packaging ou de collections saisonnières) étaient régulièrement organisées, et l’ensemble des recettes allait à LGFB. Dans mon entreprise actuelle, il y a souvent des ateliers destinés à collecter des fonds : concours de pâtisserie, jeux, etc… On a même eu récemment la présidente de l’association ainsi qu’une bénéficiaire qui sont intervenues pour nous expliquer le fonctionnement de cette organisation et nous remercier de notre générosité en nous assurant que nous étions une des marques les plus généreuses – le même discours est-il tenu aux autres ?... voilà la question qu’en tant que cynique Française, je n’ai pu empêcher de me poser.

 

L’autre initiative dominante sur ce marché (appelons un chat, un chat) est Breast Cancer Awareness, destinée à lutter contre le cancer du sein et utilisant le ruban rose comme symbole. Chaque début d’octobre, c’est le branle-bas de combat : quantités de marques (de beauté mais pas seulement) lancent des produits plus ou moins roses pour se faire entendre, tout ou partie des ventes allant à l’association. Cette initiative est très fortement soutenue par les marques du groupe Estée Lauder (comme Aveda, Bobbi Brown, Clinique, Crème de la Mer etc) car la mythique fondatrice de cette multinationale était particulièrement sensible à cette cause.

Et c’est précisément cet évènement annuel qui m’a donné envie de vous parler de ce phénomène, et en particulier une double page de l’excellent hebdomadaire féminin gratuit Stylist. Chaque semaine, la première double page de ce magasine est une « style list » très attendue : les 30 produits (beauté, prêt-à-porter, maison…) qui font le buzz cette semaine. Mercredi dernier, cette liste était consacrée aux produits roses participant à l’opération Breast Cancer Awareness. Et là je me suis dit : quelle sacrée opération de comm’ ! Ca fait une jolie histoire et un joli produit que les attachées de presse peuvent envoyer aux rédactrices beauté (c’est texto ce qu’on disait d’un produit sur lequel j’ai travaillé dans mon entreprise précédente et qui –  bingo ! –  figure sur cette page), ça donne une bonne image, ça améliore la visibilité en point de vente… bref, cela permet aux marques, connues ou inconnues, de faire parler d’elles en bien et accessoirement de booster leurs ventes dans la période un peu creuse qui précède les achats de Noël.

 

Forcément, tout cela soulève plein de questions quant à l’authenticité et la motivation derrière ces démarches... Y participer n’est-il pas devenu, par la force des choses, quasi obligatoire ? Les marques qui jouent le jeu le font-elles plutôt pour des raisons honorables, ou tout simplement pour s’en mettre plein les poches et/ou se racheter une réputation au passage?

Evidemment, impossible d’apporter une réponse claire à ces questions, mais je serais curieuse de connaître votre avis. Que pensez-vous de ces initiatives ? Avez-vous envie d’acheter les produits mis en avant par Stylist ? Mais… parce qu’ils sont roses, parce qu’ils sont cités par ce magazine branché, et qu’ils vont devenir par conséquent des it-machins, ou bien parce que vous voulez faire une bonne action ? Enfin et surtout, le fait qu’une marque soutienne ce genre d’associations vous donne-t-il une meilleure image d’elle ?

2 commentaires:

  1. Quels paradoxes ambulants parfois ces Anglais ! J'ai beaucoup aimé ton "cynisme de française" (en particulier les 2 premiers paragraphes, il fallait oser !), qui m'ont rappelé mes cours de "communication humanitaire" en master. Qui disait à peu près qu'il faut arrêter de croire que les intentions et les méthodes des humanitaires sont forcément louables et angéliques à 100%. A mon avis, peu importe quelles sont les "intentions" des entreprises, au final, le soutien financier ou matériel aux causes est réel et c'est ce qui compte non ? Si tout le monde est content au passage (surtout l'attachée de presse ;-p) c'est encore mieux... Sinon, tout comme la lutte contre le cancer du sein, l'association pour les soins aux personnes atteintes du cancer existe aussi en France, mais j'ai l'impression que l'engagement des entreprises n'a vraiment la même ampleur !!

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  2. [...] me lisez régulièrement, les Britanniques adorent : - leur famille royale, - les célébrités, - faire une bonne action de temps en temps, - acheter des produits en édition [...]

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